Toute la lumière sur les cabinets ministériels

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Ce groupe de réflexion composé de jeunes de 25 à 35 ans propose une charte encadrant la gestion des cabinets ministériels – une spécialité belge. Objectif: plus de transparence et de déontologie. Presque une petite armée. Dont l’existence se fonde essentiellement sur la méfiance. Entre un membre du gouvernement et l’administration dont il « hérite », politisée et où il risquerait de tomber sur un fonctionnaire « placé » par un ennemi politique. Voilà pourquoi, en schématisant un brin, les ministres optent pour un entourage qu’ils ont choisi et en qui ils ont confiance. N’allez pas croire que la pratique est récente, puisqu’ils existaient déjà au XIXe siècle, même s’ils ont surtout pris de l’ampleur durant l’entre-deux-guerres. « Ce qui est amusant, relève Marie Göransson, professeur en management public à l’ULB, c’est que dès le départ, il y a eu des tentatives pour les supprimer. » La dernière en date remonte au début des années 2000. La réforme Copernic entend avoir leur peau. Enfin, partiellement, puisqu’il est question de n’y laisser qu’un secrétariat d’une douzaine de personnes, la cellule stratégique du ministre étant à créer au sein même de l’administration.

« Le trou noir de la politique »

Raté: ce sont les cabinets qui ont eu la peau de Copernic, puisque les premiers assouplissements interviennent dès 2003. D’accord, les mentalités ont évolué et les cabinets n’ont pas retrouvé leur démesure des années 80 et 90, où certains comptaient plus de 130 têtes. N’empêche, les cabinets à la belge ont toujours bon pied, bon œil. Sans être un modèle de transparence: les informations sur leur composition et leur coût ne sont pas d’une accessibilité ébouriffante. C’est d’ailleurs ce qui chipote les membres du Groupe du Vendredi (lire ci-dessous). « Dès le début, la gouvernance et les cabinets ministériels ont été un sujet de débat récurrent« , expliquent Soumia El Majdoub, Laurent Hanseeuw et François Toussaint, les trois membres venus nous présenter la dernière initiative du Groupe. À savoir une charte déontologique venant encadrer le fonctionnement des cabinets ministériels, qu’ils considèrent comme une sorte de « trou noir » de la politique belge.

Les dix propositions phares de la charte

« L’idée n’est pas de jouer les jeunes premiers qui expliquent à tout le monde comment faire, assurent les membres du Groupe du Vendredi. Il s’agit plutôt de lancer la discussion. La charte que nous proposons se fonde sur la notion de décence politique et vise à établir une sorte de cadre déontologique relatif au fonctionnement des cabinets. À l’heure actuelle, il n’existe presque rien. Les règles sont claires pour les fonctionnaires, pour les élus, mais le flou règne pour les cabinettards. »

Pas de naïveté cependant, les promoteurs de la charte savent pertinemment bien que leur texte ne sera pas adopté tel quel. Leur intention est plutôt de susciter le débat et de tracer une ligne de conduite, en évitant le piège de la « surrégulation ». Rendu public ce matin, le texte concocté par le Groupe du Vendredi est disponible sur notre site et peut être signé sur celui du Groupe (www.v-g-v.be). En voici les principales lignes de force.

1. Le nom et la fonction des membres de chaque cabinet ministériel sont disponibles en ligne, sur le portail officiel du gouvernement. Une liste qui inclut tous les mandats et activités rémunérés exercés par les différents conseillers.

2. Autre information accessible sur le site internet du gouvernement: le nombre de « cabinettards » détachés de l’administration. Le détachement est une pratique plus que courante, puisque, côté francophone en tout cas, un membre sur deux d’un cabinet est issu de l’administration. Courante, mais aussi avantageuse, puisque c’est l’administration qui continue à rémunérer ses éléments « détachés », l’enveloppe attribuée au ministre pour son cabinet n’étant alors grevée que d’une « prime de cabinet ».

3. Le membre d’un cabinet exerce sa fonction de manière scrupuleuse et intègre, sous l’autorité de son ministre. Qu’il informe d’ailleurs de toute illégalité ou irrégularité dont il a connaissance. Il ne peut induire sciemment en erreur le gouvernement, le Parlement ou le public. Ni utiliser des ressources officielles pour des activités liées à un parti.

4. Les conseillers ministériels ne peuvent abuser de leur position ou des informations acquises dans le cadre de leur fonction pour favoriser leurs intérêts privés ou ceux d’autres parties. Ils doivent déclarer à leur ministre toute autre activité rémunérée et éviter toute situation de conflit d’intérêts. Autre interdiction: la divulgation de faits relatifs à la sécurité du pays.

5. Une formation des membres de cabinet s’impose, notamment en matière de déontologie et d’introduction théorique aux aptitudes de base que certains membres ne possèderaient pas. Par ailleurs, un « master » conjoint en administration publique est élaboré à l’échelle belge.

6. Les ministres doivent pouvoir faire appel au Selor pour le recrutement des cabinets. Un recrutement ciblé sur les compétences et l’expertise doit être à cet égard l’objectif.

7. En parallèle à une diminution de la taille des cabinets, l’administration doit à terme prendre un rôle plus actif dans la définition des politiques afin de veiller à poursuivre des objectifs de long terme.

8. Au sein du cabinet, un secrétariat apolitique permanent est mis en place. Son rôle: assurer la période de transition entre les ministres et fonctionner comme point de contact envers les administrations compétentes pour les processus journaliers. Sans oublier d’identifier les dossiers qui nécessiteront un suivi lors d’un changement de coalition. En filigrane, perce ceci: éviter la possibilité de pratiquer la politique de la terre brûlée.

9.Il est demandé à la Cour des Comptes d’élaborer une réglementation pour la passation de pouvoir et la période de transition. Afin de régler notamment la question d’une éventuelle « clause de non-concurrence » pour les cabinettards sortants. La question est celle-ci: un ancien membre de cabinet peut-il directement travailler dans le privé, pour une industrie qui relevait auparavant de sa supervision?

10. Suivant l’exemple européen, le gouvernement instaure un registre des lobbyistes. Chaque cabinet tient un registre de tous les contacts avec des lobbyistes. Enfin, un code des lobbyistes doit être rédigé.

Benoit Mathieu